• Bien choisir le profil d'un petit planeur gratteur


    Mardi 29 Décembre 2020 à 14:38
    Franck.A

    Quand on se penche sur la conception d'un planeur gratteur, le premier réflexe est généralement de penser "profil porteur".

    Pour savoir si c'est une bonne idée ou pas, voici une étude de cas concrète faite sur un planeur de 1.5m d’envergure, 22 dm² de surface et corde moyenne de 150 mm, bref un petit planeur de loisir typique.

    Tout d’abord, une visualisation de profils couramment utilisés sur ce ce type de modèle et suffisamment différents pour avec une comparaison bien tranchée (en vert le Jedelsky, en rouge le ClarkY et en bleu le FAD05, un profil spécialement conçu pour les faibles Reynolds) :

    Mettons qu’on fasse travailler ces profils à Re = 100000 (soit 36 km/h pour ce planeur, ce qui est une vitesse plutôt réaliste) :

    Sans surprise, le Jedelsky offre la meilleure portance (Cz) maximale (ici, Cz_max autour de 1.6), vient ensuite le ClarkY puis (1.3) puis, en bon dernier, le FAD05 (1.2). A priori, si le profil le plus gratteur était celui qui porte le plus, alors le FAD05 serait le moins bon et le Jedelsky le meilleur.

    C’est l’inverse pour la traînée (Cx) : le FAD05 dernier traîne nettement moins dans le domaine de vol « normal » à nos échelles (Cz allant de 0.1 en transition rapide à 0.8 en gratte).

    La courbe Cz/Alpha (portance/incidence) la plus proche de l’idéal (qui est une droite) est celle du FAD05, celle qui s’en éloigne le plus est celle du Jedelsky, ce qui donne un effet induit en tangage (profondeur plus vive en transition qu’en vol tranquille, alors qu’avec une droite la profondeur reste homogène).

    Un petit regard sur le coefficient de moment (Cm) :

    Le Jedelsky présente la courbe la plus évolutive (alors que la courbe idéale de Cm est une droite horizontale), ce va aussi poser problème en tangage : cette fois, c'est une instabilité (comme avec un centrage trop arrière) dans les Cz inférieurs à 0.7, donc en transition rapide, vol normal et début de phase de gratte. Associé à la sensibilité accrue aux régimes rapides identifiée ci-avant, ce profil donnera un planeur qui deviendra difficile à tenir à la profondeur à la moindre prise de badin, même en centrant très avant.

    Maintenant vérifions les constances profils, pour identifier le Reynolds critique (celui en dessous duquel le profil fonctionne mal et ne doit donc pas être utilisé) :

    Le Jedelsky est paradoxal : c’est un profil dédié au modélisme léger (donc faibles Reynolds), mais pourtant il ne fonctionne bien (critère : quand les courbes évoluent peu ou pas) qu’à partir de Re = 3000000 (on savait déjà ci-avant que ça n’allait pas à Re = 100000). A contrario, le ClarkY, qui est un pourtant un profil grandeur, commence à bien fonctionner à partir de Re = 200000. Pour finir, le FAD05 fonctionne plutôt correctement dès les plus faibles Reynolds.

     

    Passons au planeur complet équipé de ces profils :

    Les polaires en plané avec une charge alaire de 40 g/dm² (soit une masse de 900 g) :

    Le Jedelsky permet bien de voler plus lentement (mais juste un poil) que les deux autres profils, mais il présente une finesse max et un taux de chute mini moins bon (donc, il est moins gratteur et moins fin). De plus, sa pénétration dans le vent est très médiocre : si on prend en compte une finesse mini de 5 pour borner le domaine de vol, le Jedelsky permet de voler de 27 à 57 km/h, tandis que le ClarkY permet 29 à 85 km/h, et finalement 29 à 90 km/h pour le FAD05.

    Donc, sur cet exemple, c’est le profil dédié faible Reynolds (FAD05) qui donne à la fois les meilleurs performances en gratte, en transition et en plage de vitesse utilisable. A contrario, le Jedelsky est beaucoup plus limité, présente des effets induits importants en tangage, tout cela juste pour gratter 2 km/h de vitesse de vol mini.

    Mettons maintenant que la charge alaire ne soit plus que de 20 g/dm² (masse = 450 g) :

    Cette fois, on a gagné environ 10 km/h (soit autour de 30% de gain) de vitesse de vol mini, quel que soit le profil ! La finesse max en pâtit un peu (effet de Reynolds sensible à cette petite échelle), le domaine de vol en vitesse est plus réduit, mais le taux de chute mini est sensiblement meilleur (donc le planeur est plus gratteur). Le profil FAD05 se démarque toujours, en offrant le meilleur domaine de vol et les meilleurs capacités de gratte et de finesse.

    En superposant les polaires, la différence est flagrante :

    Moralité de l'histoire : pour volet lentement et gratter, choisir un profil très "porteur" n'est pas la bonne approche. Le principal levier est avant tout une charge alaire réduite, puis vient ensuite la réduction de la traînée (ici par le choix d'un profil adapté, mais ça concerne aussi l'allongement) aux Cz de gratte et aux Reynolds associés.

    L’air de rien, cet exemple résume ces 30 dernières années d’évolution des planeurs de gratte, qui sont passés des caisses à profil « très porteurs » type Jedelsky aux planeurs type F3x à profil fins et charge alaire réduite et modulable (via le ballast pour les grosses conditions).




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