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Restauration d'un moteur glow
Publication : 07.05.2017, dernière MAJ . : 16.04.2021
Moteurs présentés :
O.S .10 FP : nettoyage, réfection tête de bielle, réalisation chemise maison acier, amélioration silencieux
O.S .10 FSR : nettoyage, réfection tête de bielle, étanchéification, ajout filtre d'admission, restauration compression
ASP AP06A : étanchéification échappement, ajout filtre d'admission
G-Mark 061 RC : étanchéification, ajout filtre d'admission, modification carburateurLa qualité des carburants utilisés pour nos petits moteurs glow est un point souvent négligé, en particulier concernant la quantité et la nature de l’huile, 20% dont la moitié de ricin étant un minimum pour les moteurs de moins de 4 cm3. C'est pourtant LE facteur majeur qui fait qu’un moteur dure… ou pas, avec généralement l’apparition à court terme, en cas de défaut, de jeu en tête de bielle (côté vilebrequin) et, sur certains moteurs, d'un déchromage de la chemise. Les paliers lisses [de vilebrequin] peuvent aussi souffrir d'une lubrification trop juste, mais c’est souvent dans un second temps. La ricin a néanmoins ses détracteurs, car c'est une huile qui salit pas mal les moteurs, avec l'accumulation au fil du temps d'un dépôt brunâtre sur les zones chaudes comme la culasse. Mais, vous le verrez ci-après, avec quelques petites astuces, il est possible de rendre nos petits moteurs parfaitement propres.
O.S .10 FP
C’est dans un très mauvais cet état que j’ai récupéré, lors d'un vide-grenier modéliste, un petit O.S. 10 FP normalement bon pour la poubelle, que je me suis mis en tête de restaurer.
Première opération, le nettoyage. La méthode, trouvée sur le forum RcGroups.com (voir ici et ici), est assez bluffante : il suffit de plonger le moteur complet (inutile de le démonter) pendant quelques heures dans du liquide de refroidissement chauffé à 70 à 90°C (surtout pas à ébullition !) pour qu'il retrouve tout son lustre, sans aucun effort si ce n'est un petit brossage (à la brosse à dent) à la sortie du bain. Cette méthode est très efficace aussi pour libérer un moteur complètement bloqué, ainsi qu'une chemise ou un segment collés dans leur logement, même dans le cas d'une huile sèche depuis des année, et cela sans aucun effort ni risque d'endommagement.Ici j'ai utilisé une vieille friteuse, une bouilloire électrique ou une vieille casserole conviennent aussi :
Voici un antique OS 25RC ainsi nettoyé, deux heures à peine séparent ces deux photos (oui, c'est bien le même moteur !) :
Ensuite, la réparation la plus facile concerne la bielle, avec l’ajout d’un coussinet en tête, ici à partir d’un barreau en laiton utilisé normalement pour fixer les platines électroniques.L'alésage de tête de bielle, très ovalisé par l’usure, est d’abord contre-percé à un diamètre un peu plus important (Ø4.5 mm). Pour cela, la bielle est prise délicatement en étau sur une perceuse à colonne. Un axe de 4 mm (ou, à défaut, un forêt monté à l'envers) est installé sur le mandrin pour, en s'appuyant sur la zone saine de l'alésage, positionner correctement l'axe de perçage. L'étau est alors bridé sur la table, puis on peut enfin percer au diamètre voulu. Sans cette précaution, si on laisse l'étau libre, le forêt va se centrer naturellement dans le trou ovalisé, ce qui va donner un entraxe de bielle plus faible qu'à l'origine, et donc réduire la course du piston.
La bague laiton est percé à environ 3 mm, puis ajusté pour rentrer sur la bielle avec un léger serrage, sécurisé lors de la pose par de la colle Loctite 648 « blocpresse ». Pour finir, la tête de bielle est alésée au diamètre du maneton de vilebrequin plus un jeu au diamètre d’environ 0.05 mm.
La réfection de la chemise a été une autre paire de manches. J’ai d’abord tenté, par le biais d’un atelier spécialisé en plaquage métallique par électrolyse, un déchromage puis un rechromage (en fait un nickelage dur), mais le résultat n’a pas été probant. J’ai alors opté pour la réalisation d’une chemise maison, dont voici le plan du semi-fini (avant ajustage de la zone de circulation du piston) :
Plutôt que la classique fonte GS, j’ai retenu, après pas mal de recherches et non sans quelques doutes, un matériau nettement plus original, en l’occurrence du X60NiMnCr13-5-3. Il s'agit d'un acier mi-dur ayant la particularité d'avoir un coefficient de dilatation thermique comparable à celui de l’aluminium, généralement utilisé pour la réalisation d’inserts de pièces en alliage léger.
Après usinage, la chemise a été nitrurée sur 0.05 mm de profondeur pour améliorer sa dureté superficielle et sa résistance à l’usure (ce traitement est facultatif). L’appairage final avec le piston (avec une légère conicité pour serrer au PMH) a été réalisé sur une perceuse à colonne équipée d’un mandrin cylindrique en aluminium sur lequel est enroulé un coupon de papier de verre 150 puis 400, en tenant simplement la chemise à la main pour « sentir les choses ». Cette opération, a priori assez laborieuse, se fait finalement facilement et n’est pas critique même en terme d’état de surface, à condition d’utiliser un carburant à base d’huile de ricin (qui déposera un vernis dans toutes les micro-aspérités).
Une dernière amélioration, toute simple, consiste à ajouter un tube silicone à l’échappement pour assourdir le bruit sans trop pénaliser la puissance moteur. La longueur doit être ajustée pour trouver le meilleur compromis, comme pour un résonateur, ici 75 mm de longueur libre pour un tube Ø6 x Ø9 mm. Le résultat est sans appel, le bruit au sol est sensiblement réduit et se révèle aussi plus feutré (et même plutôt agréable) en l’air, au point d'être complètement couvert par celui de nombre de propulsions électriques un peu « miaulantes ». N’en déplaise à une certaine vision stéréotypée, les moteurs thermiques peuvent être bien moins bruyants qu’on veut bien le dire, tout comme certaines moteurs électriques sont loin d’être silencieux…
Les premières mises en route ont nécessité l’utilisation d’un démarreur, la compression initiale étant médiocre. Grâce à l'huile de ricin du carburant, ainsi qu'un rodage au sol réalisé sur deux pleins, cette dernière s’est progressivement établie pendant la première dizaine d’heures de vol, jusqu’à permettre un démarrage facile à la main quelle que soit la météo. Il faut juste penser à correctement « bistouiller » le carburateur et, avec un peu d’habitude, on arrive à faire partir le moteur au premier appel du doigt. Ca fait son petit effet au terrain !
A noter que le carburant est un mélange maison : 13% d’huile de ricin, 10% d’huile Micro Motul, 10% de nitrométhane, 1% d’additif anti-usure, le reste de méthanol. La bougie est une Rossi R1 (chaude), mais une OS A3 ou une bougie chaude d’entrée de gamme (HSP, HK, etc.) conviennent tout aussi bien.
Bilan
Après une bonne centaine d’heures de fonctionnement, autant par temps très chaud qu’en plein hiver, le résultat a largement dépassé mes espérances : le moteur ne présente aucun signe d’usure, la compression est toujours excellente et la bielle n’a pris aucun jeu. Le jeu de vilebrequin, que je trouvais un peu limite d'origine, n’a pas évolué et le remplacement du palier lisse que j’avais imaginé à un moment n’est donc pas à l’ordre du jour. Le moteur tourne un peu plus chaud qu’un 10 FP standard, tandis que la puissance est au RDV (14500 tr/min avec une Master 7x4, avec environ 700 g de traction statique).
Seul bémol pour ceux qui souhaitent tenter ce type d’aventure et qui ne sont pas outillés, connaître un usinier sympa pour réaliser gracieusement la chemise, sinon le tarif d’une telle pièce est prohibitif à l’unité. Reste la beauté du geste et le plaisir de faire fonctionner un moteur «presque maison », avec certains plaisirs avouables : une sonorité agréable grâce à l'astuce tout simple du tube silicone accordé, de la puissance à revendre (équipée de ce moteur, mon Hexafly grimpe à la verticale à mi-gaz et est très démonstratif en palier plein gaz) et une autonomie (20 min plein gaz avec 125 cm3 de plein…) sans équivalent en motorisation électrique, de même que la durée de vie. Quant à l’huile de ricin, on n’aime ou on n’aime pas la nettoyer après le vol, mais au moins elle donne aux mains une belle peau douce.
Là aussi, ce petit moteur a été récupéré dans un très mauvais état : très encrassé, compression quasi-nulle, tête de bielle ovalisée et jeu axial important du vilebrequin dans le carter moteur.
Le nettoyage a été réalisé suivant la méthode développée ci-avant. La chemise, initialement indémontable (complètement collée par de l'huile séchée), est venue facilement après seulement 2 h dans le liquide de refroidissement, ici porté à 90 °C.
Première étape, délicate à cause du porte-à-faux (faute de trou de centrage côté filetage, la pièce ne peut être prise que par le plateau de maneton), l'épaulement de vilebrequin a été rectifié au disque corindon à sec pour ramener le jeu axial à 0.05 mm. C'est sensiblement plus faible que le jeu d'un moteur neuf, et cela va permettre d'améliorer l'étanchéité en bout de palier. Par la même occasion, le moyeu d'hélice a été retouché pour le faire tourner parfaitement rond. L'utilisation d'une queue de foret en tant que cimblot de centrage est un peu osée, mais ça fonctionne sans souci avec quelques gouttes d'huile fine, type machine à coudre.
Ensuite, la tête de bielle a été ré-alésée à Ø4.5 mm, baguée avec une frette en laiton, puis finalement perçée à Ø4. Pour finir, un polissage parfaitement plan des portées d'échappement (du moteur, de l'entretoise de rallonge et du silencieux) a été réalisé à la pierre. Cette pierre a aussi été utilisée pour remettre au propre le bout de palier du carter moteur, passablement entamé par l'utilisation d'un démarreur électrique dans la première vie de ce moteur.
On peut enfin admirer le résultat avant de remonter le moteur :
On notera sur le carburateur la présence d'un petit gicleur d'air, de 0.4 mm, pour améliorer la carburation au ralenti. Le piston est légèrement rayé en bas de jupe, ce qui n'est pas trop préjudiciable au bon fonctionnement du moteur, tandis que la chemise est en bon état, l'ensemble est reconduit en l'état malgré le manque de compression.
La mise au banc est un passage indispensable de la mise au point du moteur. Cela permet de bien choisir la bougie et le carburant, ici respectivement une bougie chaude type OS A3 et un mélange à 10% de nitro et 23% d'huile dont un peu plus de la moitié de ricin. La compression initiale étant quasi-nulle, la mise en route a été faite au démarreur. Le moteur a d'abord tourné laborieusement, très chaud et avec des calés fréquents. Puis, magie de la ricin, il a suffit d'une petite demi-heure, au tiers de gaz et avec un réglage de pointeau assez gras, pour restaurer une compression parfaite. Le démarrage à la main est devenu facile, le ralenti et le plein gaz sont stables et les reprises sont franches, bref le moteur a retrouvé tout son potentiel alors qu'il était presque rincé avant cette restauration.
La rectification des portées d'échappement a donné le résultat escompté, aucun suintement d'huile n'a été constaté. Côté admission, le filtre (réalisé à partir d'un sachet de thé et d'un bout de gaine thermo) retient efficacement les petites projections de carburant (ce sont principalement elles qui sont à l'origine des salissures du moteur), même réglé très gras. Côté palier de vilebrequin, un coupon de papier absorbant enroulé autour de l'avant du moteur et assuré par un fil de cuivre fin fonctionne lui aussi très bien. Au final, le moteur est parfaitement sec et propre après une heure de fonctionnement au banc, ce qui est assez bluffant pour ce type de moteur que l'on a l'habitude de voir tout le temps gras, quand ce n'est pas dégoulinant.
A noter aussi le silencieux de banc, permettant de tester le moteur à la maison sans déranger le voisinage, avec un bruit particulièrement ténu (à peine plus qu'un moteur électrique de même puissance). Sur l'avion, ce silencieux sera remplacé par un tube silicone accordé, comme pour le .10 FP ci-avant.
ASP AP06A (ex. AP Engines Wasp .061)
Voilà un petit moteur qui, comme son rival et inspirateur le Norvel .061, fonctionne à merveille (léger, puissant, fiable, et avec un excellent ralenti). Son seul défaut, après avoir résolu la question du remplacement des bougies, est d'être assez salissant, en particulier au niveau du silencieux qui n'est pas raccordé de manière étanche au moteur (c'est la même chose sur le Norvel). D'une part il manque un joint d'étanchéité, et d'autre part le clip de liaison n'assure un maintien parfait.
La solution proposée ici consiste en l'utilisation :
- d'un silicone automobile (ici CAF-4) pour étancher l'interface silencieux / moteur.
- d'un système de bridage, composé à l'avant d'un tirant fileté et à l'arrière d'un cavalier en corde à piano que vient tendre le tirant via un écrou. Le tirant traverse le silencieux, ce qui empêche en même temps la rotation de ce dernier autour de lui-même et évite ainsi au joint de se décoller.De la même manière que pour l'OS .10 FSR présenté ici, un filtre d'admission (qui existe d'origine sur les moteurs Norvel) et un tube silicone accordé en longueur ont été ajoutés pour améliorer la propreté du moteur et réduire sensiblement le bruit.
G-Mark .061 RC
C'est l'un de mes premiers moteurs, qui date des années 1980 (plus de détails ici et sur l'essai de Pierre Delfeld). La conception, à mi-chemin entre Cipolla et Cox, est plus rustique que celle des modernes .06 MP-Jet, AP ou Norvel, mais c'est un moteur d'une robustesse hors norme pour peu que le carburant soit correctement dosé en huile, avec là aussi une bonne part de ricin. Son principal défaut est d'être très salissant, à cause d'une étanchéité du silencieux / résonateur inexistante et d'un carburateur qui "postillonne" beaucoup (carburation trop riche) au ralenti. Ce dernier point oblige aussi à garder un ralenti assez haut, sous peine de facilement caler. Plein gaz, c'est un moteur assez bruyant malgré son silencieux, même si c'est déjà bien mieux qu'un Cox 049.
La seule "usure" classique de ce moteur est une petite prise de jeu entre le pied de bielle et le piston (système similaire à Cox), nécessitant de ressertir de temps à autre la coupelle dans le piston avec l'outil Cox "piston reset tool". J'ai profité de cette opération pour régler les défauts de ce moteur.
Tout d'abord, le silencieux et sa liaison avec le cylindre sont parfaitement étanchés au CAF-4 après un dégraissage soigneux à l'essence F :
La carburation trop riche au ralenti est réglée par la réalisation d'une entaille à l'entrée du boisseau, ajustée par essais successifs. Au ralenti, la section de passage d'air devient alors plus importante en amont du gicleur carburant qu'en aval, réduisant ainsi la dépression au droit du gicleur et donc la quantité de carburant aspiré :
L'étanchéification du silencieux contribue aussi à réguler la richesse au ralenti : grâce à la prise de pressurisation du réservoir qui fonctionne maintenant normalement (d'origine c'est plutôt une simple mise à l'air), le pointeau -réglé plein gaz- est maintenant bien plus serré (environ 2 tours, le carburant étant "poussé" par la pressurisation) contre presque le double initialement. Au ralenti, le débit carburant est alors sensiblement réduit, grâce au pointeau plus serré et à la baisse de pressurisation dans cette phase de fonctionnement.
Une dernière modification, qui n’apparaît pas sur ces photos, a été faite dans un second temps avec l'ajout d'un bout de durite silicone pour étancher le pointeau, devenu fuyard avec la pressurisation du réservoir. A noter qu'il ne faut surtout pas faire cela sur un moteur d'origine, car cette fuite (d'air, dans cette configuration) entre le pointeau et son siège est volontaire : sans cette fuite, le moteur est encore plus riche au ralenti, qui devient quasi impossible et consomme autant de carburant que plein gaz.
Le fonctionnement est maintenant radicalement différent et se rapproche de celui d'un moteur moderne à contre-pointeau, avec un ralenti incroyablement bas pour cette cylindrée, une excellente stabilité à tous les régimes et des reprises parfaites :
Après modification, avec seulement 5% de nitro, une hélice 6x4 JP (moules Kavan) et une bougie HSP N3, on obtient un ralenti stable à 3500 tr/min, contre au mieux 5500 à 6000 tr/min d'origine, et cela sans risque de caler lors d'une remise plein gaz brusque. Plein gaz, la 6x4 est entraînée à environ 13000 tr/min, ce qui est très convenable avec ce carburant.
Grâce au silencieux étanche et à la durite qui le prolonge, l'intensité sonore est sensiblement réduite, au point d'être facilement couverte par un avion électrique au moteur tournant un peu vite. L'étanchéité est maintenant parfaite, sauf au palier avant qui sature rapidement le coupon de papier absorbant, qu'il faudra le changer à chaque vol. Un petit collecteur avec un drain serait une solution plus avantageuse, j'en reparlerai ici dans quelques temps.
Un dernier bonus de l'opération : la "bistouille" du moteur pour le démarrer est devenue très simple, il suffit de pincer la sortie du silencieux et de brasser deux tours d'hélice pour que le carburant arrive correctement au moteur. Le démarrage est alors une formalité, même à la main.
Copyright Franck Aguerre / RC Aero Lab