• Profil fin versus ballast

    Publication : 13.05.2017

    Un ami planeuriste, amateur de grandes plumes, a récemment soumis la question suivante : comment faire voler plus vite ses machines ? A question aussi élémentaire, réponse plus qu'évidente : utiliser un profil moderne ultra-fin ! Donc, ailes à refaire ou achat d'une nouvelle machine "au top" à prévoir... Pourtant, est-ce vraiment si simple que ça ?

    En bon empêcheur de dépenser en rond, je lui ai quand même de suggéré de commencer par ballaster ses planeurs, tout en me penchant sur un exemple représentatif pour illustrer et quantifier la démarche.

    Prenons donc un DG303 de 5 m d'envergure dont l'étude était déjà faite (masse = 10 kg, profils NACA2412 aux ailes et NACA0009 aux stab et dérive) :

    Profil versus ballast   Profil versus ballast

    Profil versus ballast

    Comparons ces polaires avec celle du même planeur soit ballasté de 2kg (en pointillé bleu) soit équipé d'une nouvelle aile doté d'un profil fin au "top" (en rouge, TP74 F3F/60") :

    Exploitation pratique des courbes, mettons que le planeur évolue dans un air ascendant à +4 m/s :
     - avec la configuration d'origine à vide, le palier tient à : 123 km/h
     - avec la configuration d'origine ballastée : 131 km/h
     - avec le profil ultra-fin : 128 km/h

    De manière plus globale, on remarque que si les deux configurations modifiées, ballastée "judicieusement" [pour les besoins de la démonstration] vs profil fin, sont équivalentes du point de vue vitesse de décrochage et performances en "gratte", la configuration ballastée se démarque ensuite par une meilleure finesse max ainsi qu'un moindre taux de chute (donc, automatiquement, une meilleure finesse) à toutes les allures moyennes et rapides. Avec un avantage indéniable : la souplesse d'utilisation : autant on est "condamné" à devoir composer avec le profil, déterminé une fois pour toute, autant le ballast permet d'adapter facilement la machine aux conditions de vol et aux besoins du pilote.

    Bien entendu, on peut arguer que cette étude est biaisée, puisque :
    - le TP74 est conçu pour un usage avec volets de courbure + snap-flap... sauf que : le NACA2412 supporte lui aussi correctement ce type d'artifice permettant d'étendre le domaine de vol.
    - les performances du TP74 seraient, elles aussi, bien évidemment bonifiées par le ballast... mais attention : la vitesse de décrochage et les performances aux allures réduite seront pénalisées, et il serait toujours possible de ballaster plus le NACA2412 pour rattraper les performances du premier.

    Regardons maintenant ce qu'il se passe en prise de badin (ici avec m = 12 kg et profil = NACA2412) :

    Avec un Cz de réglage de 0.3 et un calage d'aile adapté à chaque profil (pour rester à iso-incidence -donc traînée- de fuselage), on obtient les vitesses d'équilibre en piqué (vitesses de "bourrage", c.a.d quand traînée = poids) suivantes :
      - avec la configuration d'origine à vide : 352 km/h
      - avec la configuration d'origine ballastée : 385 km/h
      - avec le profil ultra-fin : 355 km/h

    Étonnamment, du moins de prime abord (cela s'explique en fait très bien par les Reynolds élevés en jeu), utiliser un profil ultra-fin sur une telle machine n'apporte quasiment rien. Par contre, c'est cette fois assez intuitif, ballaster améliore significativement les choses : plus le planeur est lourd et plus il prend de la vitesse en piqué.

    Nota : il faut une hauteur et/ou une vitesse initiales conséquentes pour arriver à la vitesse d'équilibre en piqué, mais fort heureusement on n'est pas limité par cela en simulation :-)

    Dernier point, et non des moindres : un autre élément à mettre dans la balance est la résistance mécanique des ailes, ainsi que leur rigidité en flexion et torsion : sachant que les deux premières sont proportionnelles au cube de l'épaisseur (cf. théorie des poutres), un profil aussi fin que le TP74 (7% ER) est [à iso-construction] 5 fois moins robuste qu'un profil à 12% d'épaisseur relative ! Un tel profil nécessite donc un mode de construction autrement plus élaboré -et donc plus coûteux- pour assurer la même tenue et rigidité mécanique.

     

    En guise de conclusion...

    Au delà des chiffres, a priori réalistes mais à confirmer par des mesures, il faut surtout comprendre les résultats présentés ici en relatif, c'est à dire en termes d'écart par rapport à une référence de base. A défaut de donner une vérité "absolue", cette mini étude montre qu'une question apparemment triviale peut soulever des questions de fond, auxquelles il n'est possible de répondre sérieusement que par une démarche étayée. Sachant que, suivant le contexte et le besoin, il n'y a pas de solution miracle toute faite : par exemple, dans le cadre d'une catégorie à charge alaire limitée, comme le GPS triangle, augmenter le ballast à l'envie n'est plus un levier possible. Dans ce cas, le travail d'optimisation des profils et de la courbure, entre autres, a bien entendu toute sa place.

    Copyright Franck Aguerre / RC Aero Lab